V1919 - Topic Officiel - Année 1921

Blois, décembre 1921 :

Dans un sous-sol humide, deux hommes s'agitent. Ils activent les lourdes pièces en acier d'une imprimeuse manuelle. Après avoir placé chaque bloc d'imprimerie dans un cadre, ils sont prêts. Une par une, ils impriment de grandes pages qu'ils couperont en quatre. Sur chacun de ces tracts on peut lire un message clair, net, et simple :

CAMARADES

STOP A LA FAIM STOP A LA MISERE
LA LIGUE REVOLUTIONNAIRE SYNDICALISTE VOUS APPELLE
ENSEMBLE CONSTRUISONS UN FUTUR POUR LE PEUPLE
RAPPELEZ-VOUS LA BELETTE
L'ESPOIR DE DECEMBRE N'EST PAS MORT
VIVE LE SOCIALISME, VIVE LES CAMARADES INTERNATIONAUX

La belle encre rouge sang imprimée sur le papier n'est pas sans rappeler le sang des révolutionnaires qui, il y a un an exactement de déversait dans les rues françaises et notamment devant le Palais Bourbon où des centaines ont été massacrées par la police.

" Merci Louis. " déclara le plus âgé des deux hommes après que Louis lui tendit de la ficelle pour empaqueter les affiches. Il y en avait des centaines, empaquetées par paquets de 8. Maintenant il fallait les coller en ville.
" Pas de problème Camarade Broutchoux " répondit Louis en riant.

Broutchoux sourit. Ca lui allait bien camarade. C'était lui qui allait représenter la Ligue Révolutionnaire Syndicaliste à Londres à l'appel des anglais. Il était prêt à porter haut et fort la cause des travailleurs français, même s'il savait que les traîtres de la CGT et de la SFIO seraient aussi présents. L'espoir que représente l'appel des travailleurs britanniques à s'unir face à cet ordre mondial réactionnaire qui se dessine lui donnait cependant des ailes, qu'il pensait avoir perdues l'an dernier après l'échec de la Petite Révolution.

Benoit Broutchoux

Créteil, 1er novembre 1918 :

Les obus allemands tombent sur Paris. Créteil est à feu et à sang. Le Caporal Rivet passe en revue ses hommes. La Garde Républicaine n'a pas été mobilisée sur le front depuis le début de la guerre. Elle est là pour maintenir l'ordre à Paris, défendre la capitale et les institutions de la République, et assurer la sécurité des hauts-dignitaires. Mais depuis plusieurs jours, alors que l'offensive germanique vient lécher de ses flammes ardentes la banlieue parisienne, la situation a changé.

" Soldats !

La mission qui est vous confiée est sacrée ! L'ennemi a décidé dans un coup de boutoir ultime de s'attaquer au siège et cœur battant de la République ! Tous ici, vous comme moi, avez fait le serment de défendre la France et la République jusqu'à la mort. Vous portez les symboles de cet engagement, vous êtes l'incarnation de la dernière défense du peuple parisien et de notre République contre l'ennemi allemand.

Jamais la France n'aura été autant en danger de mort, et jamais la République plus proche de vaciller qu'aujourd'hui. Soldats ! Des millions de citoyens ont défendu au prix suprême de leur sang cette terre qui nous a tout donné. Moi, Michel Ribet, je suis votre officier de rang et aujourd'hui je vous demande, non pas en ma qualité de Caporal de la Garde Républicaine, mais en qualité de Citoyen de la République, de vous joindre à l'effort de la défense de Paris.

Le sort est contre nous. L'artillerie que vous entendez est allemande, ne vous y trompez pas. Nous n'avons plus rien, à part la force de nos bras, des quelques cartouches de vos besaces et de votre baïonnette. Je vous demande le sacrifice ultime, celui d'une mort vaillante au combat, pour la Patrie, pour la France, pour la République, afin de protéger en donnant la vôtre la vie de nos concitoyens.

Citoyens ! Rejoignez-moi. "

Le jeune Louis, en entendant le discours donné par ce Caporal Rivet, se sentait la poitrine emplie d'un feu ravivé. Les cris guerriers remplissaient l'arrière cour où une cinquantaine de Gardes Républicains s'étaient retrouvés pour retourner au front. Ils avaient été rejoints par une vingtaine de soldats en tenue bleu ciel, plusieurs dizaines de citoyens français en arme comme Louis, et huit soldats américains qui avaient refusé le repli vers la Bretagne et l'évacuation pour participer à la défense de Paris.

De cette arrière-cour de Créteil surgit un flot de soldats devenus citoyens, d'hommes devenus héros, unis derrière une bannière bleu-blanc-rouge de la Garde Républicaine et le drapeau américain qui sont tous les deux acclamés et embrassés avant que les larmes aux yeux, on partage des accolades et qu'on se dirige vers l'ouest.

Louis en sortant, remarque qu'un homme a perdu un médaillon dans la cohue. Il le ramasse. Dans celui-ci, une photo de femme au-dessus d'un nom gravé LOUISE BONPONT en lettres d'or. Il se précipite vers son propriétaire et lui tend. Celui-ci le regarde avec des yeux surpris mais plein de remerciement. Ils s'embrassent, se serrent la main, et partent bras dessus-dessous vers le front, à quelques centaines de mètres de là.

Quatre-vingt seize hommes sont sortis de l'arrière-cour de Créteil, sous le commandement du Caporal Rivet. Deux survivront.

Asie centrale

L'éclatement d'une guerre au Turkestan choque en Russie. La lutte contre les basmatchis semblait toucher à sa fin, et bientôt il n'aurait plus resté que la question des Cosaques du Don à régler. Et puis maintenant ça. Certes, la Russie, bien que puissante, reste matériellement largement capable de vaincre la révolte turkestanaise par les armes. Mais le gouvernement n'a absolument pas les moyens de s'engager dans une campagne militaire de grande ampleur, surtout après la réduction pour plusieurs années de la taille du contingent militaire. L'armée d'Asie centrale ne se voit accorder des renforts que pour défendre les territoires non contrôlés par l'insurrection, avec l'autorisation de préparer une offensive mineure d'ici quelques mois.

Si la question de l'indépendance turkestanaise ne suffisait pas, un grand reportage publié dans la Pravda achève d'installer un grand malaise dans la gauche russe. Ce dernier décrit en détail la manière violente avec laquelle l'ordre a été imposé à Tachkent, et réunit plusieurs témoignages d'habitants musulmans de la ville, traduits en russe. L'histoire qui fait les gros titres est sans aucun doute celle d'une famille ouzbèke ayant accueilli chez elle deux enfants russes perdus dans les émeutes. Une fois les émeutes passées, ils ont emmené les bambins au poste de police le plus proche. Sur le chemin, des hommes de Voronenko les ont passé à tabac en les accusant d'avoir kidnappé les enfants.

Des bolchéviks aux Populaires-Socialistes, les organisations de gauche du pays sont tiraillées entre diverses positions, qu'il est possible de résumer synthétiquement en deux courants. On compte d'un côté ceux qui souhaitent la reconnaissance de l'indépendance, ou au moins de l'autonomie, du Turkestan et la fin de l'impérialisme grand-russe. De l'autre côté, ceux qui considèrent le mouvement turkestanais, teinté d'influences musulmanes modernistes, comme un mouvement réactionnaire contre-révolutionnaire et chauviniste. Le conflit est présent dans tous les partis socialistes et socialisants - à l'exception des communistes de Lakoba totalement acquis à la seconde explication - bien que la deuxième tendance tende à être dominante. Seul le parti bolchévik a une tendance massive en faveur de la première cause, qui fait que le parti est incapable pour le moment de se positionner : il est évident que Lénine aurait été sur une ligne de combat du chauvinisme grand-russe, mais c'est loin d'être évident pour bien des Bolchéviks beaucoup moins radicaux dans leur hostilité à la non-autonomie des nationalités.

Toujours est-il que la quasi-intégralité des députés musulmans dans l'assemblée se sont accordés pour voter contre tout projet du gouvernement actuel tant que des négociations n'auront pas été ouvertes avec les autorités turkestanaises. Les quelques députés musulmans socialistes qui avaient accordé leur soutien au gouvernement l'ont retiré, enlevant la majorité absolue de la coalition gouvernementale à la Douma, qui est pour l'instant dans une situation de gouvernement minoritaire à quelques sièges près. L'alliance kirghize, quant à elle, critique ouvertement la violence des autorités, mais reste au sein du gouvernement pour le moment.

Solidarité internationale

Les propositions du gouvernement britannique sont acceptées, et le gouvernement russe mettra ce qu'il faut en oeuvre pour l'installation de bureaux de commerce britanniques à Petrograd, Moscou, ainsi que dans les ports de Mourmansk dans l'Arctique et Novorossiisk sur la mer noire. Dans le domaine pétrochimique, il est toutefois notifié à Londres qu'un projet de nationalisation des parts détenues par les pétrolières britanniques dans les exploitations de Russie est en préparations. La révolution britannique a en effet fragilisé les positions des industriels anglais en Russie. Petrograd espère rencontrer la compréhension du gouvernement ouvrier de Londres et le maintien de l'offre de coopération dans le secteur.

Du côté de l'internationalisme partisan, les délégations russes sont multiples et de partis opposés. Le parti bolchévik, en premier lieu, s'est hâté d'envoyer une délégation menée par le député de Smolensk Mikhaïl Frounzé, mais aussi des délégations représentant les instances du parti en Baltique, Biélorussie et Ukraine. La délégation du Parti Communiste est dirigée par Joseph Staline, ami et homme de confiance de Nestor Lakoba. Julius Martov, chef des menchéviks bien avant qu'il ait été rejoint par les SR de gauche, dirige lui-même la délégation de son parti. Enfin, les Populaires-Socialistes, parti au pouvoir et seul parti de gauche où l'agrarisme est fondamental, ont envoyé Nikolaï Larsson, un des artisans de la réforme agraire, pour diriger leur délégation. À titre individuel voyagent également quelques représentants d'organisations partisanes socialistes musulmanes ayant l'ambition de dénoncer l'impérialisme russe devant les travailleurs du monde entier

TURKESTAN/AFGHANISTAN

Brève

Évènement

Le gouvernement turkestanais autoproclamé de Boukhara, cherchant des soutiens à l'étranger, a envoyé des délégations diplomatiques auprès de la Turquie, de l'Iran et de l'Afghanistan pour demander la reconnaissance de leur indépendance. L'Afghanistan, recevant cette ambassade, a pris la décision de reconnaître le jeune état turkestanais