Topic officiel - V1925

Libia, bel suol d'amore

Alors que les luttes internes continuent au sein du PNF entre les Volpistes et les Rossonistes, une autre fissure se présente en Italie. En effet, les forces armées, dont une partie des officiers supérieurs sont plus fidèles au roi qu'au Duce, ont largement profité des instabilités politiciennes pour faire leur trou. Les officiers, profitant de la sécession aventine, ont réussi en début d'année à faire sauter les projets de réformes militaires d'Antonino di Giorgio. Ils ont également réussi à obtenir le retour du poste de Chef d'Etat-Major des Armées, attribué à Pietro Badoglio. En protestation de la délégation de ce poste à un membre de l'armée de terre, le très respecté amiral Thaon di Revel a démissionné à son tour du ministère à la marine à la surprise générale. Mussolini, déjà ministre de la guerre, s'est emparé pour lui-même du poste de ministre laissé vacant. Il n'y a guère que la Regia Aeronautica, avec son nouveau ministre Italo Balbo, qui soit à l'abri des embrouilles. Les aviateurs sont de bons fascistes.

Autre victoire pour l'armée de terre, Mussolini a du céder et accepter le passage de la MVSN (les chemises noires) au sein de l'armée, sous le commandement d'un général issu des rangs. Cependant, alors que le général Giardino commence une entreprise de remplacement des officiers de la MVSN par des militaires, des voix s'élèvent au sein des Chemises Noires. Les ras, titre de noblesse éthiopien repris pour désigner des leaders historiques de cellules fascistes, sont évidemment opposés. Le Duce, à l'exception de quelques notables influents qui voient leurs postes d'officiers conservés, laisse Giardino faire en métropole.

Dans les colonies cependant, et en faisant grincer bien des dents chez les militaires, le Duce a protégé, et même sanctuarisé l'autonomie des MVSN par rapport à l'armée. Attilio Teruzzi, un notable fasciste vétéran des Chemises Noires et pressenti pour occuper un poste de gouverneur colonial, se retrouve catapulté à la tête d'une Milizia Coloniale (la branche coloniale des MVSN) réorganisée pour avoir sous son autorité l'ensemble des Chemises Noires de Tripoli à Mogadiscio. Un poste clé et phare dans un contexte où, si les derniers points de résistance somaliens ont été écrasés, la révolte gronde toujours en Cyrénaïque. Teruzzi est proche du Duce, et il connait les gens à Rome. Son mariage avec la chanteuse d'opéra juive américaine Liliana Weimann, en début d'année, a été fait en présence du Gouverneur de la Capitale. Les relations avec l'armée de terre, pour le moment aux manettes de la répression de la révolte anti-italiennes, s'annoncent tendues.

Mussolini, témoin du mariage de Teruzzi

"Nous sommes arrivés à Bengasi ce matin. Giovanna a eu du mal à garder les enfants en place à l'arrivée dans le port. On a bien cru que le gamin était tombé à l'eau alors qu'il était en train de jouer avec des chiens sur un quai avoisinant. Il aurait pris une sacrée taloche pour avoir filé à l'improviste comme ça si sa mère n'était pas intervenue. Un estafette nous a mené jusqu'à notre nouvelle maison. Elle est magnifique. Nous avons de grandes pièces, de jolis meubles et même un jardin dans la cour. C'est si différent de Novare, pourtant j'ai le sentiment que nous allons nous plaire ici.

On m'a laissé la semaine pour m'installer, ensuite j'irai voir mon unité au sud, vers les montagnes. C'est là-bas que la rébellion indigène dure depuis le plus longtemps, sans que l'on ne trouve le moyen de les arrêter. Il y a là-bas des paysans italiens qui ont besoin d'être protégés. C'est là notre rôle. Les histoires d'offensives, je laisse ça aux militaires. Je ne pense pas que Teruzzi cherchera à nous envoyer au casse-pipe alors qu'il vient d'arriver.

Nos nouveaux voisins sont venus dîner avec nous ce soir. Une famille de siciliens. Le père est fonctionnaire, et le fils est encore au lycée. Sa bonne femme ne parle que le dialecte, et avec son accent je n'ai pas compris grand chose. Elle est très sympathique aussi. Bien plus que notre ancien bouffon de concierge. - Journal du Centurion Caio Bonucci, Milizia Coloniale, entrée du 11 septembre 1926

Diplomatie

L'accord commercial avec l'Allemagne est finalement accepté par Rome. Les concessions aux vignerons italiens, qui ouvrent un marché juteux sans que la piquette bavaroise ne fasse craindre grandre concurrence, les renforcent, et sont un nouveau symbole de l'abandon italien de la bataille du blé.

À la chancellerie, le rapprochement Briand-Stresemann inquiète au plus haut point. Si la relation italo-française se joue depuis la fin e la Grande Guerre à base de je t'aime moi non plus, l'Italie avait son rôle clé de containment de l'Allemagne à faire valoir pour adoucir la position française à son égard. Avec de l'autre côté un Royaume-Uni toujours aussi solide en Méditerranée, notamment via son allié grec, Rome risque fort de se retrouver dans la position du dindon de la farce européenne. Si certaines voix pour le moment ultra-minoritaires s'élèvent au ministère des affaires étrangères pour chercher des alliances au parfum de ridicule avec l'URSS ou les Etats-Unis, les objectifs diplomatiques de l'Italie sont pour le moment clairs : chercher à s'assurer une position centrale dans les Balkans contre la Petite-Entente francophile, sécuriser ses positions en Méditerranée orientale. Un vaste programme qui met quatre capitales dans la focale des diplomates italiens : Belgrade, Budapest, Sofia, Ankara.

Le Phoenix

La France propose Strasbourg pour accueillir la future conférence de lancement du projet de confédération européenne avec l'Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Belgique. Ville symbole des brouilles franco-allemandes qui pourrait devenir désormais celui de la réconciliation entre les deux pays.

Le lancement concret de cette aventure à eu d'importantes conséquences en France et au sein du monde politique. Briand a dans un premier temps tenté de monter un gouvernement d'union national regroupant les radicaux et la droite et de lui faire obtenir les pleins pouvoirs afin de mener a bien le projet confédéral avec l'Allemagne. Cette solution qui semblait la plus simple a cependant échoué. Elle était pourtant poussée par l'aile droite du parti radical qui, mit devant le fait accompli de l'exploit de Briand, tentait de trouver une solution à l'élimination de Poincaré qu'ils soutenaient en coulisse depuis plusieurs mois. Le Cartel des gauches que l'ont pensait définitivement enterré a été ressuscité sous l'initiative d’Édouard Herriot puis de Paul Painlevé, deux figures importantes de l'aile gauche du parti radical qui ont mené la contre-attaque face à la droite.

Herriot souhaitait dans un premier temps rassembler une majorité incluant la SFIO autour de son nom mais le refus non-négociable des milieux financiers et industriels a forcé le chef du parti à reculer, laissant la place à son compère Painlevé, plus lisse, qui n'a pas hésité a mener une politique austéritaire de droite lors de son passage à la tête du gouvernement en 1925. Obtenant le feu vert des milieux d'argent et arrachant au passage quelques concessions permettant de raccrocher le wagon socialiste, en particulier la taxation du capital et la restructuration des bonds du Trésor issus de la Grande guerre, Painlevé peut mettre sur pied son gouvernement accompagné d'une majorité solide allant de la SFIO à la droite modérée. Cette majorité est bâtie sur une plateforme solide prévoyant de rétablir la situation du franc et des finances publiques, travail qui devient urgent si la France devait s'engager dans une union douanière avec l'Allemagne et qui a forcé toutes les parties à se mettre d'accord. Aristide Briand devient vice-président du Conseil et conserver les affaires étrangères, confirmant son magistère sur l'ensemble de la politique extérieure française dans ce contexte. Joseph Caillaux - gage de sérieux auprès des milieux d'affaire - reprend les finances. Il faut le dire, Briand a remporté une splendide victoire qui force l'ensemble des acteurs qui tentaient de mettre des bâtons dans les roues de la gauche du parti radical à stopper leurs opération au moins pour un temps.

Évidemment, ces nouvelles provoquent l'ire des milieux nationalistes et en particulier de l'Action française qui voyait jusque là, comme tout le monde, Poincaré revenir aux affaires. Les socialistes au contraire se frottent les mains. Si toute participation gouvernementale reste exclue, ils se rattachent au projet européen et espère pouvoir peser dessus depuis le parlement mais aussi grâce à leurs liens privilégiés avec la social-démocratie allemande très influente outre-Rhin.

Adriatique en tension :

Le Traité de Nettuno, ratifié l'an dernier par le gouvernement, autorise les Italiens à s'installer en Dalmatie et à y mener des affaires. La subséquente installation de plusieurs centaines d'Italiens dans les derniers mois sur les côtes croates ne se sont pas faites sans tensions.

On compte en effet pas moins de 700 italiens qui ont décidé de vivre l'aventure dalmate. La majorité est venue s'installer à Kotor et dans les environs yougoslaves de Zadar (Zara en italien), ville italienne depuis 1920. La ville de Murvica (Murivizza en italien), situé à quelques centaines de mètres seulement de la frontière italo-yougoslave à Zadar avait été désertée par la population italienne autochtone, qui était partie pour la majorité en Italie, et pour le reste à Zadar. Des dizaines sont revenus, mais surtout, pas moins de 250 italiens ont littéralement racheté le petit bourg et s'y sont installé.

Zadar en 1926

La vitalité économique de la Dalmatie est évidente, et elle est encouragée par les nombreux échanges trans-adriatiques. Mais les tensions entre croates et italiens sont au plus haut. Les premiers affirment que les retombées économiques ne bénéficient qu'aux italiens (ce qui est factuellement faux), et que la Dalmatie a été vendue à un pays étranger, le Royaume d'Italie, dont les ambitions territoriales ne sont méconnues de personnes. Le gouvernement tente de calmer le jeu en augmentant la présence policière dans les environs de Zadar et de Kotor, mais y met peu d'entrain et peu de moyens.

Cher Georges,

Je t'écris afin d'obtenir des éclaircissements sur les évènements qui ont aujourd'hui lieu dans ma chère France et que je peine à comprendre. Alors qu'il me semblait que nous avions pu jusqu'ici faire efficacement obstacle aux projets d'Herriot, je découvre avec stupeur que celui-ci a pu monter un nouveau cabinet qui semble décidé à vendre le pays aux pruscos et aux socialistes. Pire que cela, j’apprends désormais que ce cabinet bénéficie aujourd'hui du soutien du monde des affaires et tout particulièrement de la Banque de France que je pensais acquise à nos idées. Ce revirement m'inquiète fortement et je souhaiterais surtout comprendre ce qui le motive et jusqu'à où il ira. Combien de temps avant de se retrouver avec un Blum à la présidence du Conseil si l'on continue de tout laisser passer.

J'ai pu discuter de la situation avec Hubert Lyautey qui partage mes craintes. Si comme vous le savez nous avons toujours proscrit toute intervention publique c'est d'abord parce que nous pensions que vous aviez la situation en main et que le nécessaire était accompli pour maintenir le pays dans sa juste route. Si même vous cédez aux ennemis de la France, tout est perdu. Dans l'attente de nouvelles de votre part, amicalement.

Philippe Pétain, maréchal de France.

Où en sont les communistes

La petite révolution qui a secoué la direction de l'Internationale communiste et de l'Union soviétique a surpris et pris de court tout le monde en France mais principalement les communistes eux-mêmes. La crise provoquée par la mort de Lénine semble ne pas réussir à se régler et l'Union continue d'afficher une certaine incertitude dans ses choix politiques. C'est un problème pour les communistes français qui ne savent pas vraiment sur quel pied danser et qui attendent de voir émerger une ligne claire de Moscou pour tenir leur Vème Congrès.

Le problème c'est que les communistes manquent justement de temps. La direction sortante du secrétaire général Albert Treint est grillée et de plus en plus durement critiquée à l'intérieur même du Parti. Le sectarisme et l'autoritarisme de celui qui dirige le PCF depuis 1922 ont participé à lui faire perdre l'inertie prise en 1920 et malgré la réelle percée électorale de 1924, le parti communiste perd ses militants et n'a pas réellement réussi à renforcer son implantation hors de ses bastions. Tout le monde veut le voir partir mais aucun successeur clair ne peut émerger dans ces conditions d'incertitudes concernant les orientations de l'Internationale.

Un premier groupe mené par l'étoile montante du Parti, le charismatique Jacques Doriot chef de l'organisation de jeunesse du PCF, étincelant député de Saint-Denis. Très apprécié dans le parti, vu comme un militant travailleur et désintéressé, il souhaite maintenir une ligne relativement autoritaire au sein du PCF et sans concessions aux autres forces politiques, en particulier la SFIO, tout en s'appuyant sur son expérience à la tête des jeunesses communistes pour promettre un renforcement des effectifs, en particulier par les organisations de masse. Il est soutenu par Gaston Monmousseau, figure majeur de la CGTU.

De l'autre côté, un autre groupe mené  par le flamboyant Pierre Semard, toujours emprisonné à la prison de la Santé pour ses actions contre la guerre du Rif, ainsi que par Maurice Thorez secrétaire adjoint de la fédération du Nord, une des rares fédérations à bien s'en sortir. Ils défendent quant à eux ardemment la tactique du "front unique" principalement défendue au sein de l'Internationale par Boris Souverine et Trotski et souhaite ainsi se rapprocher des socialistes afin de sortir le PCF de son isolement et d'arracher la SFIO à l'influence du parti radicale.

Le PCF se trouve donc à un tournant majeur de son existence et doit se prononcer sur un choix cornélien qui décidera sans doute de son orientation stratégique pour la décennie à venir si ce n'est plus.

Istria Bella

Tout au cours de l'année 1926, l'empilement de lois restreignant les libertés individuelles et collectives des Italiens a continué à grandir. Désormais, la dernière touche, dont la mise en oeuvre a débuté et verra sa fin inéluctable dans plusieurs mois, est d'inscrire l'ordre fasciste et le rôle déjà officieux du Conseil National du Fascisme dans la Constitution. Les "lois fascistissimes" ont déjà des conséquences incroyables. La presse et les mouvements d'opposition ont du fermer, ou alors leurs locaux ont été saisis. Des militants antifascistes disparaissent et finissent en camp de travail aux îles Lipari. Les associations qui ne se plient pas au gouvernement voient leurs biens matériels saisis par l'Etat pour être confiées à des organismes fascistes bien contents de prendre leur place.

La saisie des oeuvres culturelles et sportives est d'autant plus terrible dans les territoires nouvellement intégrés au Royaume d'Italie. Germanophones comme Slavophones voient l'ensemble des quelques débris de leur vie linguistique voler en éclats. L'italianisation se fait à marche forcée : un décret royal ordonne un changement nominatif de grande ampleur parmi les populations slovènes et croates. 3000 slaves se voient forcés de changer de nom, et 60 000 d'entre eux voient les leur "rétablis sous leur forme originelle", c'est-à-dire italianisés. Ainsi, un type qui se nommerait, par exemple, Aleksandar Karadjordjevic, se voit désormais connu sous le nom d'Alessandro Caragiorgini.

Relations italiennes :

Les relations avec le voisin italien sont un champ de mine pour Belgrade. En effet, si le gouvernement du Parti Radical Populaire est plutôt indifférent aux enjeux italiens au sein du Royaume comme aux politiques d'italianisation des slaves (majoritairement slovènes) sur le territoire do Royaume d'Italie, la réalité est différente pour l'opinion publique qui commence à se masser derrière l'italophobie de plusieurs partis politiques, le Parti Paysan Croate en tête.

Les politiques italiennes à la frontière slovène sont en effet la une des journaux. L'Italie force les slovènes à changer de nom, à parler italien, en gros à devenir un parfait sujet du Roi d'Italie et de son collaborateur Mussolini.

La colonisation ne fait que s'accélérer, et des milliers d'italiens se déversent chaque mois sur les rives dalmates, en quête de profits, d'une nouvelle vie, et de loyers abordables.

Ce que veulent les italiens, poster de 1927

Le Parti Paysan Croate de Stjepan Radić adopte une ligne de plus en plus italophobe, et l'assume.

Nikola Uzunović dans la tourmente :

Le Premier Ministre Nikola Uzunović qui mène le Parti Radical Populaire et sa coalition à la tête du Royaume des Serbes, Croates et Slovène, est dans la tourmente. L'homme n'a pour ainsi dire aucune carrure politique. Il est totalement absorbé par les luttes intestines du PRP, du Parti Libéral et du Bloc Radical qui forment le gouvernement. La coalition bouillonne, et ne tient qu'à un fil en ce début d'année 1927.

Les désaccords portent principalement sur ce qui est désormais appelé de plus en plus "la question croate". Si Nikola Uzunović n'en mène pas large à l'Assemblée Nationale, Stjepan Radić lui est un véritable héros de la rhétorique. Le puissant leader du Parti Paysan Croate et de l'opposition s'enflamme de discours retransmis dans les journaux. Il dénonce Nettuno bien entendu et la "colonisation" italienne de la Dalmatie, mais aussi le sort des Slovènes, et à demi-mot, la main mise des Serbes sur le pouvoir politique, l'armée (bien que la situation se soit amélioré au sein de celle-ci) et la gouvernance du pays. Seule la figure d'Alexandre, le Roi, est épargnée par Stjepan Radić et ses officiers radicaux. Il s'agit là plus de prudence, la majorité du Parti Paysan Croate ayant déjà effectué un séjour en prison pour lèse-majesté entre autre, que d'un soutien au Roi.

Stjepan Radić

Accédant à la tête du gouvernement, Hendrikus "Hendrik" Colijn, le chef de l'ARP doit composer avec le reste de la coalition chrétienne démocrate, à savoir le CHU et l'ABRKK, dont ce dernier est le parti majoritaire au parlement jouissant de 30 sièges sur 100. Bien que les chrétiens démocrates maintiennent leur hégémonie au sein de la Chambre des représentants, ces derniers ont perdu des sièges par rapport aux dernières élections générales. Si la coalition représente 54 sièges, les socialistes ont gagné 4 sièges de plus, les amenant à 24 sièges.

Pour le premier ministre et chef de l'ARP Hendrik Colijn ces résultats sont loin d'être satisfaisant pour sa formation politique qui n'a pu conserver que 13 sièges, sur les 16 qu'ils possédaient depuis la dernière élection législative. Et cela lui est problématique. Si la Coalition chrétienne démocrate s'entend sur les volets économiques, fiscaux et sociaux, Hendrik sait aussi que le Royaume doit conduire des réformes structurelles qui vont à l'encontre du principe d'équilibre budgétaire établie par la Coalition chrétienne démocrate.

En tant qu'ancien major de l'armée ayant participé aux campagnes coloniales de la fin du XIXème siècle, Colijn a diligenté un rapport complet sur l'Etat des forces armées et navales du Royaume afin de dégager les grandes lignes de sa réforme "Wetsvoorstel defensie, kolonie en neutraliteit" et le constat est alarmant. En l'état, l'armée royale n'atteint pas les standards des armées modernes. Le rapport soulève que si le Royaume avait participé aux combats de la Grande guerre, il aurait été contraint de se retirer du conflit après 14 jours de combat.

Pour Colijn, la neutralité du Royaume est un principe fondamental de sa sécurité à l'internationale, mais cette neutralité doit aussi être garantie par une force armée capable et en mesure de défendre les intérêts nationaux, ainsi que ceux de l'Empire.

Une manœuvre politique est donc lancée par Colijn. Profitant d'une session de réunion des cadres de l'ARP il fait communiquer des instructions visant à faire germer au sein de la Coalition l'idée de la nécessité d'une réforme intégrale de l'armée. En parallèle Colijn compte profiter de sa stature de chef de gouvernement pour en discuter directement avec la Reine Wihelmina lors des conseils tenus en sa présence.

Colijn sait toutefois qu'il va faire face à une opposition féroce de la part des Coalisés.

Spoiler:

Février 1927, Belgrade


Le bedonnant Nikola Uzunović monte les marches du palais royal de Belgrade. Il a été convoqué par Sa Majesté Alexandre, Roi des Serbes, Croates et Slovènes.

Alexandre Ier

La chose est rare. Le Roi, bien que très proche de ses Premier Ministre, préfère d'habitude lettres, télégrammes ou missives. Une convocation est exceptionnelle, et n'augure rien de bon. En montant les marches, Uzunović transpire à grosses gouttes malgré le froid mordant.

C'est dans le salon privé du Roi qu'il est reçu. Le mobilier est étonnamment luxueux pour un pays qui reste, rappelons-le, plutôt pauvre. Il y fait bien chaud aussi, une vaste cheminée ouverte aidant. Le feu qui y brûle crépite, tandis que le Roi laisse le Premier Ministre s'assoir sur un fauteuil, en face de son divan.

La conversation dure plusieurs heures. Alexandre s'échauffe. Il demande à ce que le Parti Radical Populaire "prenne les mesures qui s'imposent" pour faire régner l'ordre. Il demande également quel est le problème avec l'Italie ? Sa Majesté ne comprend pas comment le peuple peut s'opposer au Traité de Nettuno, qui assure une relative prospérité à la côte dalmate. Uzunović bégaye, et répond que peut-être ils ont peur d'être colonisés. Alexandre rit à gorge déployée. Colonisés ? Les slaves ne sont pas des africains. " Ne soyez pas ridicule Uzunović, trouvez la véritable raison." Uzunović, crispé, sourit, et répond que oui, il fera ce qu'il pourra.

Enfin Uzunović est mis au courant de la conspiration de Mirdita, qui cherche à déstabiliser l'Albanie. Le Roi lui demande d'agir. Uzunović lui rétorque qu'il ne faudrait peut être pas se lancer dans une aventure internationale tandis que l'Assemblée Nationale est à deux doigts de faire chuter le gouvernement et la coalition au pouvoir d'exploser. Alexandre lui répond que tout ça n'a aucune importance.

Uzunović sort du Palais à la nuit tombée. Il s'éponge le front. Le Roi est complètement con.

Le plan Painlevé

Le gouvernement Painlevé de l'automne 1926 avait été monté avec pour mandat de réussir à mettre un terme à la crise du franc ainsi qu'à celle du déficit public. En fait, peu de choses restaient réellement à faire tant "le fruit était mûr" selon l'expression consacrée. Le travail austéritaire mené par les précédents gouvernements du Cartel des gauches, l'inflation galopante et le volte-face des milieux économiques qui ont accepté de se ranger derrière Briand et son projet européen ont fait l'essentiel du travail. Joseph Caillaux a présenté un loi budgétaire large visant dans un premier temps à instaurer une taxation du capital et à mettre en place des coupes budgétaires en particulier dans le budget de l'administration et dans celui de la justice. Dans un second temps, celle-ci prévoit la mise en place d'une caisse autonome regroupant la dette de guerre dû aux français - la sortant ainsi du budget de l’État - qui sera financée par une hausse des taxes sur les tabacs, les boissons et par les bénéfices de la loterie nationale. De cette façon, le gouvernement espère regagner la confiance des épargnants et entamer la lente et complexe transformation de ces bons du Trésor à court terme en bons à moyen terme, bien plus contrôlables.

La SFIO profite de cette loi de finance pour intégrer des dispositions fiscales favorisant la concentration des exploitations agricoles. C'est un grand choc pour le monde paysan français. Des Comité de défense paysanne relativement marginaux commencent à se monter pour lutter contre cette attaque dirigée contre la petite exploitation paysanne "à la française". Le Parti communiste d'abord prit en porte à faux sur ces questions propose quand à lui d'effectuer la modernisation des structures agricoles françaises par et pour les petits paysans et dénonce la vente à la découpe des campagnes de France aux trusts et aux gros exploitants. Trouvant étonnement un certain écho, il poursuit son opération à l'initiative d'un jeune militant paysan talentueux, le saône-et-loirien Waldeck Rochet qui lance avec la bénédiction du parti un hebdomadaire en direction du monde paysan, La Terre.

L'assainissement du budget en bonne voie, le problème du redressement de la monnaie pouvait désormais se poser. Alors que la valeur du vénérable franc germinal est théoriquement inchangé, il a dans les faits - sur les marchés internationaux, perdu 80% de sa valeur de 1913. En effet, tant que la dévaluation n'était pas légalement établie, la valeur restait flottante et personne ne voulait s'attaquer à ce problème. Le débat entre revalorisateurs, ceux souhaitant mener un effort colossal afin de ramener le franc à sa valeur de 1913 principalement pour des questions  de prestige, et stabilisateurs, ceux - principalement issus des milieux industriels - souhaitant faire la dévaluation afin d'éviter de couler le commerce extérieur français, a été vite tranché en faveur de ces derniers. Rapidement ralliée par la droite modérée et poincariste, la dévaluation va être mise en place définissant désormais la monnaie française par un poids de 65mg d'or contre 322mg avant guerre.  La monnaie française une fois stabilisée pourra donc trouver sa place au sein du Gold Exchange Standard et surtout mettre fin à la spéculation qui la touchait, redevenant une valeur sûre.

Vème Congrès du Parti communiste

Cette fois ça y est, le PCF a une direction. Rassuré par Moscou, le parti a pu organiser son congrès en grand pompe à Lille. Pierre Semard absent car toujours emprisonné à la Santé est élu secrétaire général de l'organisation. Dans les faits, une direction large peut se constituer autour de lui même incluant son protégé Maurice Thorez mais aussi Jacques Doriot, Jean Cremet, Gaston Monmousseau ou encore Henri Barbé, représentant des jeunesses communistes au Bureau politique.

Bref, une direction élargie et renouvelée qui prône désormais la ligne d'un "front unique" regroupant l'ensemble des organisations prolétariennes françaises et qui espère servir d'exemple au sein de l'Internationale en démontrant son efficacité. De toute façon, le PCF est l'un des derniers partis communistes d'ampleur encore en place en Europe. La tâche de s'attacher l'appui des socialistes ne sera pas aisé et semble exclu pour les élections de 1928 puisque le Cartel des gauches a tenu et que, sauf évènements inattendus aux prochains congrès des radicaux et des socialistes, il devrait se maintenir. Il n'est cependant pas un secret que la base de la SFIO brûle d'avantage d'accomplir l'unité de la classe ouvrière que de maintenir une alliance avec les mous radicaux qui mènent dans les faits une politique tout à fait centriste et la question de la direction du pivot socialiste ne manquera pas de se reposer.

Comprenant les implications d'une telle affaire, le vénérable Tigre, Georges Clemenceau, est sortie à la surprise générale de sa retraite pour rédiger un éditorial au vitriol dans le très populaire quotidien Le Journal alertant les français et le monde politique sur les implications que pourrait avoir les résultats d'une majorité alliant socialistes et communistes. Il n'en fallait pas plus pour passionner le débat dans chaque bistrot ou cabaret. Dans les coeurs, c'est peut être Clemenceau qui a fait naître l'alliance socialo-communiste, reste à savoir comment elle émergera pour de bon.

Cher Philippe,

Ici, depuis Fez, civils comme militaires, nous observons avec la plus grande inquiétude les évènements qui se déroulent en Métropole. L'alliance entre la SFIO et les bolchéviks est une chose effrayante. La décadence d'une partie de la bourgeoisie qui a décidé apparemment d'apporter son soutien aux politiques de Blum et Herriot l'est encore plus. Comment sens-tu les ouvriers de Paris toi qui te trouves là-bas ? Quelle est l'ambiance générale ? J'ai bien peur de ne plus reconnaître ma petite Patrie.
Tu sais que j'ai toujours été opposé au coup de force. Je le suis toujours. Mais ne penses-tu pas qu'il serait sage de se préparer à tout désormais, prudence est mère de sureté.

En attendant tes nouvelles,
Hubert Lyautey, maréchal de France.

Les aventures du bon Gamelin

Toujours coincé en Syrie alors qu'en France l'armée manigance dans le dos de la République, le bon Gamelin ne se doute de rien, ça ne l'intéresse de toute façon pas pour un clou puisqu'il est quant à lui un centriste bon teint proche des milieux radicaux. L'homme a en effet d'autres problèmes, ces satanés rebelles druzes continuent d'être une épine dans son pied. Le Haut-commissaire au Levant est désormais Henri Ponsot, un homme réfléchi, habitué des situations coloniales, l'inverse de Maurice Sarrail avec qui il avait bombardé Damas. La guérilla se maintient malgré tout bien qu'elle perde indéniablement en vitesse au fil des mois.

Cependant, il a d'autres projets pour la Syrie et le Levant qu'il perçoit comme pouvant devenir une épine avancée dans les flancs de la bête soviétique. La sujet est d'autant plus actuel que Moscou a récemment envoyé ses légions prendre le contrôle de la faible Chine, mettant en péril l'ensemble de l'ordre mondial asiatique. Les potentialités militaires depuis la Syrie contre l'Union soviétique sont principalement aériennes et le Levant pourrait être appelé à devenir un porte-avion géant avec en ligne de mire les infrastructures pétrolières de Bakou, les ports russes situés sur la Mer Noire. Gamelin a ainsi fait part de ses idées au ministre de la guerre et Président du conseil Paul Painlevé qui les a accueilli avec intérêt. La priorité dans un premier temps reste malgré tout la sécurisation de la Syrie et le renforcement du mandat française. Des renforts militaires, principalement des avions, seront ainsi accordés à monsieur Gamelin.

Giovinezza

Nouvelle pièce dans l'affaire dalmate. En effet, l'Oeuvre Nationale Balilla, l'organisation de jeunesse fasciste fondée en 1926, pose le pied de l'autre côté de l'Adriatique. Le ministre de l'éducation Giovanni Gentile, grand idéologue du fascisme, souhaite en effet que l'ONB puisse encadrer l'entièreté des jeunesses italiennes, incluant les résidents italiens de Dalmatie. Ainsi, outre Zara, territoire italien, l'organisation de jeunesse a fait l'acquisition de bâtisses à Spalato (Split), Raguse (Dubrovnik) et Castelnuovo (Herceg Novi) pour servir de Casa del Balilla. À travers la Dalmatie, différents jolis terrains sont également acquis pour y installer des camps de vacances pour les jeunes Italo-Dalmates qui doivent après tout pouvoir bénéficier de vacances agréables sans être importunés par des jeunes Slaves.