[V1919] Topic officiel

Pologne

L'évolution de la situation polonaise provoque un tremblement de terre à Moscou. Dans les suites des annonces du PZPR, un groupe de militants d'origine polonaise menés par l'homme de loi Adreï Vychinski s’épande dans la presse staliniste pour fortement critiquer le "révisionnisme" en œuvre à Varsovie. En effet, si la possibilité de discuter les apports de Lénine est un acquis de longue date au sein du Komintern, les choix du PZPR le mette en porte à faux avec Marx lui même. C'est un véritable tollé qui agite le PCUS et qui fragilise sérieusement Boukharine. Le dirigeant de l'URSS ne peut revenir sur ses décisions de maintenir la liberté polonaise, d'autant que l'essentiel est sauf puisque Varsovie se maintient dans la sphère d'influence soviétique, malgré tout l'abandon de l'horizon communiste est un coup très dur. La presse boukharinienne dénonce cette décision comme un choix populiste destiné à permettre aux socialistes polonais à se présenter comme tenant tête à la Russie devant le peuple polonais. En coulisse, l'inquiétude est grande. Au grand dam de l'aile gauche du Parti, Boukharine maintient le cap, la Pologne est souveraine, ce sujet devra se discuter entre partis frères et l’État soviétique n'a aucune légitimité à s'y ingérer, de ce fait aucune décision n'est prise à l'encontre de la Pologne ou du PZPR.

L'URSS a eu vent de ce qui se passe en Pologne, et s’inquiète à raison. Le rapport ayant fuité dans la presse, stalinienne en plus, l'accord à l'aimable de toute la gauche de tenir le PZPR au moins jusqu'à les élections de 1936 ne peux plus exister. C'est dommage en période de reconstruction, mais ça veut aussi dire que la vie politique a bien reprie en Pologne. Et donc, c'est avec gravité que le PZPR est dissous, entre le PPR (communiste), et le PPS (socialiste), le premier accusant le second de trop de laxisme. Le PPS s'est ultérieurement divisé, rappelant les divers drames de 1921 et de la II/IIIe internationale, cette fois ci dans l'autre sens, avec les orthodoxes (c'est à dire  socialistes et globalement marxistes), majoritaires, qui gardent le nom de PPS et le nouveau parti "révisionniste" nommée NL (Nowa Lewica), nouvelle gauche. Ceux ci glissent vers les agrariens, en particulier le PSL, qui puisqu'il a perdu sa raison d’être -son programme agrarien ayant été appliqué- change et vire vers le radicalisme. Une troisième force vient donc de surgir entre les socialistes et communistes orthodoxes et les libéraux plus à droite.
Mais ceci est une affaire de parti.
Qu'en est-t-il du gouvernement ? Celui-ci à reçu une motion de défiance du Sejm et a donc été défait. Dès lors, le PSL a rompu ses accords avec le gouvernement, mais le ZSL, toujours loyal aux communistes, reste. Mais qui donc pour remplacer le gouvernement PPR-PPS + ZSL intérimaire ? Personne. Au final, une nouvelle proposition de gouvernement, sans les sociaux démocrates scissionnés du NL ni le PSL a été mis en place. Certes la majorité est perdue, avec seulement 44% de l'assemblée dans les partis du le gouvernement, bien loin du large 60% de 1932. Ce gouvernement, après la scission, a une présence beaucoup plus importante du PPR, donc des communistes, vis à vis du PPS qui est à moité amputé. Ce Gomułka II promet de continuer la reconstruction, dont les grandes lignes ont déjà été mises, et espère que la continuité de son pouvoir décrédibilisera les frondeurs à sa droite en 1936.
Mais au final, la réel victime est l’unité forcée du front populaire polonais, qui vient de se diviser dans du drama parlementaire. C'est aussi ça la démocratie, quand les différents politiques sont trop forts, il y a scission.

A la fin de la guerre, en 1932, il y a eu des élections. Mais ces élections législatives ne veulent rien dire. Par antiparlementarisme primaire, les Volontaires Nationaux de Doriot et de la Rocque, et en réalité les autres ligues d’extrême droite, n'ont pas participé à ces élections. C'est donc une majorité d'un "cartel des gauches" PRRS SFIO PCF qui est théoriquement au pouvoir. Mais ce gouvernent est bien étrange, car en réalité la politique est dicté par l'ambiance de terreur des ligues d’extrême droites (les volontaires nationaux de De la Rocque en sont le plus parfait exemple, mais il existe plein de milices diverses et pas unies) dans la rue. Ces ligues sabotent le gouvernement en créant des chutes de gouvernement à répétition via des démissions forcés par des manifestations violentes et massives. En résumé, le cartel des gauches n'a rien pu faire pendant 2 ans, et probablement ne pourra rien faire pendant 2 ans encore.
Comment expliquer une telle dictature des ligues et milices, en roue libre totale, responsables devant personnes et totalisantes dans leur organisation ? C'est simple, c'est le regard laxiste de l'armée et de la justice. En effet, ce sont souvent des vétérans de toutes les guerres de 1914 à 1931 qui sont présents dans ces ligues. Or l'armée et donc les vétérans, au grand dam de la République, est auréolé de gloire et populaire, alors qu’elle reste toujours un nid réactionnaire anti républicain et ultra-catholique. Cette gloire sert de totem d'immunité face à toutes les tentatives du gouvernement de juguler les ligues. Celui qui ose critiquer une action des anciens combattants est immédiatement calomnié par les milices, qui bénéficient d'un soutient de la population. Roger Salengro qui s'est suicidé en 1933 après une décennie d'insultes envers lui est un exemple de ces méthodes de gouvernement par la menace. Le pire étant qu'il n'y eu aucune conséquence suite à sa mort. L'extrême droite continue de salir, d’être écouté et de mentir en toute impunité.
De même, les opérations coup de poing de menaces et d'assaut sur les parlementaires dans le but de les intimider, de faire chuter leur gouvernement, ou de les assassiner (Blum a par exemple échappé de justesse à une mise à mort par les camelots du roi) sont récurrents. Grâce à la connivence de Calstelnau, placé président de la République à cause de son aura de gloire, et qui gracie en masse ses comparses, ces actes sont toujours impunis, et donc se multiplient. Au final il y a une normalisation de cette parodie de vie politique. L'argument de "sauver la France du bolchévisme" marche du tonnerre pour justifier une grâce, Goebbels en serait que sa propagande s'est réincarné dans le pays qui a battu l’Allemagne...
Au final, c'est les propositions populistes de l’extrême droite, pas du tout passés par une commission parlementaire pour expertiser et s'assurer de l'efficacité de ces mesures, qui sont voté à grand coup de coercition par le gouvernement. Les opportunistes décrètent, les opposants sont déchus ou empêchés par une quelconque autre manière. C'est comme si Doriot et De la Rocque avaient toujours leur postes, respectivement du Ministre du Travail et Ministre de l’Intérieur.
Un point est nécessaire à savoir sur les vrais maitres du pays. L’extrême droite est divisée: Les ligues sont nombreuses et indépendantes entre elles. Même l'armée est divisée, entre Castelnau/Lyautey et Pétain, qui par la grosse mobilisation de la guerre de 1929-31, est revenu de l'écartement des années 1920. Chacun cherche à dépasser l'autre dans des conflits de personnes et aussi de vision du monde, car le rejet des valeurs de la Révolution, ça brasse large. En réalité, "l’extrême droite" n’est pas cohérente et enchaine des coups de forces et des menaces sur des coups de forces et des menaces au jour le jour, n'a pas de grand plan d’ensemble ni de projet de longue durée.
A l’international, les volontaires nationaux ont l'ambition de former des "corps expéditionnaires" en roue libre pour lutter contre "le communisme", en Italie, en Turquie, dans les Balkans, à Vienne etc, ce qui leur est possible grâce à la collusion avec l'armée qui leur fournir des armes pour ses opérations de guerres par procuration.

La situation économique est française est désastreuse, sauf si on pense comme un mercantiliste. En effet, la fiscalité de l’État va bien, car elle repose sur la prédation de l'Allemagne. Mais ce n'est qu'un cache misère et ce palliatif du trésor public encourage une inaction totale, qui est doublement amplifiée par l'instabilité politique post guerre. Il y a aussi la question du moment où, non pas l’Allemagne sera désindustrialisé et retourné à l'age de pierre, mais le moment où les couts de l'occupation dépassent les profits des transferts de capitaux forcé,s en machine comme en argent. Ce moment, après 4 ans, approche et promet un coup d’électrochoc dans une France économiquement inculte.
La situation économique véritable est catastrophique. Les possibilités de croissance à long terme sont comprimés par une démographie anémique et surtout peu de consommateurs: la France est composé d'une grande masse rural peu salarié, peu intégré au marché, peu spécialisé et donc peu productive, et toute cela abouti à peu de consommation.
L’organisation du travail est aussi catastrophique, et est liée au marché comprimé. Il y a d'un coté les cartels, c'est à dire les collusions de grands patrons et leurs entreprises, majoritairement familiales, de l'autre la masse de petits artisans ou commerçants. Mais dans les deux cas, il y a une aversion à l'investissement, un rétentionisme tatillon des améliorations de la production, d'un coté (la haute bourge) car ils ne veulent pas, de l'autre (la petite bourge) car ils ne le peuvent pas et ne le veulent pas. En effet, l’entreprise est vu comme un patrimoine à préserver, et un conservatisme ambiant empoisonne les méthodes de production désuètes pour la majorité, ou coincé dans leur niches ultra petites pour la minorité d’industries neuves (automobile, aéronautique ...). Il en résulte un chômage de masse, car les entreprises ne veulent pas s’étendre, et donc qu'il ne veulent pas recruter.
Cause ou conséquence, en tout cas c'est lié, le mépris sinon le malaise vis à vis de l'argent, du prêt et de la dette, du profit, et du marché des français. Cela plombe le secteur bancaire et la bourse, autrement dit les acteurs qui centralisent et redistribuent l'investissement. Le capital français est thésaurisé et ne sert donc à rien. Cela à aussi pour conséquence de créer une forte demande pour l'opacité et le manque de transparence, et les faveurs personnelles et le prestige sociale. Autrement dit la corruption et le clientélisme, qui subordonnent les intérêts économiques aux intérêts sociaux.
Toute cela crée une population miséreuse, endetté et honteuse d’être endetté, presque fataliste quant à ses possibilités de s'en sortir par le travail. En réalité, le peuple français préfère de toute façon se perdre dans des actes non rémunérées ni productifs, mais populistes et qui donnent accès a une communauté : c'est comme ça que le nombre des Volontaires Nationaux ont gonflé, en récupérant la masse des désœuvrées, et et en forgeant une communauté sectaire, totalisante et clientéliste, qui condamne à la dépendance ses membres. Et cette masse de membres subordonnés entretient le marasme qui nourrit les chemises brunes...