Topic officiel - V1960

1960. Alors qu’une nouvelle décennie s’ouvre l’avenir du monde est plus que jamais incertain. Désormais fortement bipolarisée la planète voit en effet s’affronter dans ce que l’on appellera la Guerre Froide deux systèmes opposés : le communisme allié à la dictature du prolétariat et le capitalisme associé à la démocratie libérale. Reconstruit et installé dans une société de consommation opulente appuyée sur une forte croissance, le monde occidental connaît un véritable âge d’or. Soudé dans une puissante alliance transatlantique ( OTAN ) les États Unis et l’Europe Occidentale ( sans oublier l’allié japonais ) se veulent les champions de la démocratie, de la prospérité et de la liberté. En face de ce « monde de l’Ouest » le monde communiste de l’Est organisé autour de l’Union Soviétique et de sa capitale Moscou où les « tsars rouges » règnent désormais sur un véritable Empire s’étendant de l’Europe de l’Est ( démocraties populaires ) au Pacifique. Réunis au sein du Pacte de Varsovie les pays socialistes entendent eux aussi promouvoir leur modèle de « démocratie populaire » et d’anti impérialisme basé sur la dictature du prolétariat et une économie planifiée. Sûrs de leur puissance les deux camps connaissent toutefois des remous internes, bon nombre de pays ouest européens se trouvent en effet face à un indéniable déclin ( France, Royaume Uni ) symbolisé par la disparition des empires coloniaux tandis que le bloc de l’est voit poindre les premières limites du modèle totalitaire hérité de Staline, malgré la politique de déstalinisation engagée depuis 1956 par Nikita Khrouchtchev, et les premières failles dans l’unité du bloc socialiste. A côté de cette tension Est-Ouest dominant les relations internationales et faisant planer une inquiétante ombre nucléaire, une très grande partie de l’humanité vit toutefois hors des deux blocs dans un vaste « Tiers Monde ». L’alignement sur un des deux Grands y est monnaie courante ( Amérique du Sud sous domination américaine, pays asiatiques communistes proches de l’Union Soviétique ) mais des expériences originales ainsi que des revendications de non alignement ( pan arabisme de l’Égypte de Nasser ) se cherchent indéniablement une place. Les « pays neufs » du Tiers Monde devant faire face aux défis d’une indépendance récentes où à venir très prochainement sont en effet les pays de tous les possibles ( voie communiste ? Voie capitaliste ? Non alignement ? ) et recèlent souvent un grand potentiel inexploité, à l’image de l’Inde, qu’il n’appartient qu’à vous de prendre en main !

Par monts et par eaux

La décision d’entamer une « guerre populaire » afin de libérer le sud du Vietnam a été confirmé par le Parti des travailleurs du Vietnam en 1959 et doit donc désormais être implacablement mise en place de par la mobilisation de l’ensemble du Parti, du peuple et de son État, la République démocratique. Cette année 1960 est pleine d’espoir et de volontarisme.

Une invasion directe par l'Armée populaire vietnamienne est proscrite par le risque d'embourbement mais surtout par la crainte de forcer les américains à l'escalade. Ainsi, la priorité du plan mis en place par Hanoï est le développement d’une organisation combattante au sud capable de mener un conflit insurrectionnel face au gouvernement fantoche de Saïgon. L’idée principale se trouve dans la construction d’un front large dépassant les communistes et rassemblant l’ensemble des forces patriotiques et anti-impérialistes, un vaste chantier, cependant déjà bien avancé grâce à l’impopularité chronique dont souffre l’ubuesque gouvernement sudiste.

Pour appuyer cette nouvelle construction, la priorité absolue est la mise en service de la piste Ho Chi Minh. Un plan un peu fou de ligne de ravitaillement s’enfonçant dans la jungle dense du Vietnam occidental et passant par le Laos occupé par l’Armée populaire vietnamienne ainsi que par  le Cambodge pour déboucher sur le Vietnam sud. Les premières livraisons d’armes par ce biais ont eu lieu l’année passée et leur rythme promet d’augmenter sensiblement si l’opération est un succès.

Pour l’occasion a été formé l’année dernière une unité atypique reliée à l’Armée populaire, le Groupe logistique 559 ne contenant absolument aucunes unités combattantes mais qui compte pourtant déjà plus de 6 000 personnels, un chiffre en croissance constante. Son objectif unique est l’entretien et le développement de ce projet titanesque ainsi que le transport de troupes et de matériel à travers la piste.

De l’autre côté, la voie logistique la plus simple a exploiter et la plus efficace est sans aucun doute celle maritime. L’organisation des missions de ravitaillement des forces patriotiques par la mer de Chine méridionale est confiée au Groupe logistique 759 qui s’est vue confiée une flotte aux aspects baroques composée de navires allant de la jonque au vapeur en métal. C'est par là que la très grande majorité des opérations de ravitaillement s'effectueront vu les capacités infiniment supérieures offertes par cette voie en comparaison à la piste Ho Chi Minh.

Que ce soit par la jungle, les montagnes ou la mer, la condition préalable à tout insurrection généralisée face à Diệm est le transfert massif d’armes, de matériel nécessaire à la conduite de la guerre, d’officiers ou de commissaires politiques du nord au sud. Tout devra être fait pour la mettre en œuvre. L’objectif affiché est d’officialiser avant la fin de l’année la fondation d’un Front national de libération ayant pour objectif de centraliser la lutte contre Saïgon.

Le bilan Eisenhower :

Dwight Eisenhower, président depuis 1953 et pilier du Republican Party, arrive en fin de carrière. Son mandat s'achèvera d'ici plus ou moins 12 mois, après les élections de novembre 1960 qui mèneront au pouvoir le 35ème Président des Etats-Unis d'Amérique.

Dwight Eisenhower

C'est une carrière au service de la nation américaine qui s'achève, commencée sur les champs de bataille de la Première Guerre Mondiale, poursuivie sur ceux de la Seconde Guerre Mondiale, et enfin parachevée par le succès politique de son élection en 1953 au poste ultime : la présidence fédérale.

Ses mandats ont été marqués par l'extension de la sécurité sociale à 10 millions d'Américains supplémentaires, la fin de la Guerre de Corée négociée par son cabinet ou encore l'extraordinaire expansion du réseau autoroutier américain. Eisenhower en effet, alors Général des forces armées alliées en Europe, avait été très impressionné par l'Autobahn de Herr Hitler et avait décidé de copier le modèle infrastructurel allemand. C'est un vif succès.

Sa présidence fut également très active à l'international. Soutien indéfectible à la République de Chine et au Kuomintang réfugié sur l'île de Taïwan, soutien à l'Espagne de Franco et soutien aux régimes alliés du Moyen-Orient, notamment à la Jordanie et au Liban dans la crise de 1958 qui a vu le déploiement en appui aux forces libanaises de 15 000 US Marines.

Enfin, 1959 a aussi marqué l'adhésion de deux nouveaux Etats à l'Union : L'Alaska et Hawaii.

Elections de 1960 :

Les élections de 1960 s'annoncent tumultueuse. Le jeune John Fitzgerald Kennedy vient en effet d'officialiser sa candidature en tant que candidat démocrate, face à Richard Nixon, actuellement Vice-Président d'Eisenhower.

Sur le plan du pouvoir législatif, les deux chambres du Congrès semblent pouvoir selon les commentateurs politiques, conserver leurs majorités démocrates. Le Parti Démocrate règne en effet de manière hégémonique sur le Congrès depuis l'ère Roosevelt.

Communiqué au Japon :

Le Congrès Américain a ratifié le Treaty of Mutual Cooperation and Security between the United States and Japan, et le Président américain n'attend que l'aval de la Diète japonaise pour le faire entrer en vigueur d'ici le printemps ou l'été 1960.

Les Etats-Unis rappellent au Japon le contenu général de ce traité, qui relève de questions de sécurité :

- Les Etats-Unis et le Japon assurent chercher à promouvoir leurs intérêts par la paix, et proclament la proéminence des Nations-Unies dans la résolution des conflits internationaux.

- Les Etats-Unis et le Japon appellent à une coopération politique et économique étroite entre eux, notamment au niveau du commerce international, de la recherche scientifique et du libre-échange.

- Les Etats-Unis annoncent qu'ils consulteront en bonne et due forme le gouvernement japonais quant à l'usage de leurs troupes stationnées sur le territoire nippon. Tokyo sera ainsi informé de manière expresse de tout usage militaire des Forces Armées Américaines au Japon.

- Les Etats-Unis annoncent qu'ils défendront l'intégrité territoriale et la sécurité du Japon contre toute menace émanant d'une tierce-nation.

- Le Japon réitère explicitement son autorisation à stationner pour les troupes américaines sur son territoire national.

Poursuite de la réorganisation de l'économie Cubaine

Un an après la glorieuse révolution Cubaine, la réorganisation de l'économie continue. La réforme agraire promulguée en mai 1959 est un franc succès. La limitation de la taille des propriétés à une taille maximale de 4.6 km2 a permis l'accès à la propriété à 100 000 locataires, métayers et occupants, désormais soutiens fidèle de la politique menée par notre leader, Fidel Castro.

Cette politique de redistribution des terres a néanmoins occasionnée des tensions réelles avec les États Unis d'Amérique, beaucoup de ces terres étant en effet possédées jusque-là par la United Fruit Company. Nous regrettons ces développements et n'avons aucune intention de nous brouiller avec les États Unis, principal partenaire commercial de Cuba. La compensation décidée l'an dernier, calculée à partir les déclarations foncières de l'entreprise United Fruit avant la révolution, seront bien payées en bonne et due forme cette année.
Si la réorganisation de l'économie cubaine doit avancer, et vite, nous ne le ferons pas unilatéralement si nous pouvons l'éviter. Un an après notre première visite officielle, nous souhaiterions entamer un dialogue avec les États-Unis sur ce qui pourrait être une juste compensation pour une éventuelle nationalisation d'activités possédées par des ressortissants américains sur le territoire Cubain, et sur la question de l'échelonnement de ces payments. Nous ne pensons qu'à quelques activités stratégiques, et non à la totalité des activités commerciales et bancaires américaines sur le territoire : la compagnie d’électricité, la compagnie des téléphones, les raffineries possédées par les entreprises Texaco, Esso et Sainclair, ainsi que les 36 sucreries que les États-Unis possède à Cuba. En espérant avoir une réponse rapide de votre gouvernement, nous vous assurons de la volonté entière du gouvernement Cubain de coopérer avec le gouvernement Américain pour faire de cette révolution une réussite pour le gouvernement, et espérons maintenir encore longtemps nos échanges commerciaux féconds.

Dans le même temps, un courrier est envoyé à l'Ambassade de l'URSS afin d'ouvrir des relations commerciales entre nos deux pays. Nous souhaitons en particulier aboutir à un accord afin d'augmenter les échanges sur deux produits : le Sucre Cubain et le pétrole Soviétique, cela afin de diminuer notre dépendance vis-à-vis de l'Amérique. Nous espérons une réponse positive, qui pourrait être la première pierre d'une relation fructueuse pour nos deux nations.

Pelmeni ou jiaozi ?

Les tensions naissantes entre Moscou et Beijing sont un secret de polichinelle au sein du mouvement communiste international. Le choix du secrétaire général soviétique, Nikita Krouchtchev, et des siens de s'engager sur une stratégie nouvelle de « coexistence pacifique » avec l'Ouest sur fond de course à l'armement nucléaire a provoqué une levée de boucliers en Chine et a fait lever plus d'un sourcil au sein du Parti des travailleurs vietnamiens. Au moment même où Hanoï entame les grandes manœuvres en ex-Indochine pour définitivement faire de l'impérialisme un lointain souvenir dans cette région du monde, il faudrait apaiser les tensions, et ce ad vitam aeternam ?

Rajoutons à cela les fortes influences chinoises héritées de la phase de construction de l’État ouvrier vietnamien lors de laquelle les conseillers maoïstes ont eu une très large influence dans la construction d’un Parti discipliné et dans la liquidation de l’ennemi de classe, en particulier par la réforme agraire, quasiment pilotée depuis la Chine. Reste que l’appui russe a été et reste absolument vital non seulement à la réussite de l’offensive Nord-Vietnamienne actuellement en préparation mais aussi à la survie même de la République démocratique qui voit son existence constamment menacée par les États-Unis et leurs pions régionaux.

En amont du conflit ouvert qui s’annonce entre patriotards chinois et révisionnistes soviétiques la tête du Parti des travailleurs a pris la ferme décision de ne pas y prendre part et de poursuivre ses objectifs propres qui feront sans aucun doute d’avantage avancer la révolution mondiale qu’un combat de coqs lettrés s’écharpant sur des interprétations de Lénine et Marx. Cette décision a toutefois été prise en très petit comité et ne sera pas communiqué aux camarades ni chinois ni russes. En plus de jouer sur l’ambiguïté, il s'agit aussi de ne pas froisser les cadres inférieures du Parti dont bon nombre ont été formés à l'école chinoise et d'éviter une crise interne qui pourrait se terminer en fiasco avec l'évincement de la direction modérée. L’objectif sera bien d’avantage de naviguer dans le but d’obtenir l’appui des deux géants du bloc communiste.

Communiqué à Cuba :

Washington regrette que les demandes cubaines ne puissent être satisfaites. Comprenez bien qu'il est inacceptable que des entreprises privées américaines soient nationalisées par un gouvernement étranger.

Eisenhower contemplatif face aux demandes de La Havane

Les Etats-Unis soulignent cependant la volonté américaine de continuer à entretenir de bonnes relations avec l'entièreté des nations de l'hémisphère américain.

République du Congo
Brève
Evènement

C'est une véritable page de l'histoire africaine qui se tourne, avec le début des pourparlers de décolonisation du Congo belge à Bruxelles. La gigantesque colonie du petit royaume de Belgique est en effet sur la route de l'indépendance, même si cela ne plait pas à tout le monde et surtout pas aux conglomérats miniers belgo-congolais.

Drapeau de la République du Congo

Si l'indépendance sera actée au 1er juin 1960 de manière sûre, il en reste que la stabilité du jeune Etat risque d'être fragile. Plusieurs régions congolaises comme le Sud-Kasaï ou le Katanga, riches en minéraux et d'une importance stratégique majeure, sont prises dans des conflits locaux et globaux d'intérêts qui risquent de fragiliser l'union nationale.

La personne de Patrice Lumumba rassemble cependant derrière elle une grande partie de la population. Son rival, Antoine Gizenga, continue cependant de refuser la cohabitation, et commence de plus en plus à s'emmurer dans un mutisme suspect.

Fédération du Mali
Brève
Evènement

Coup de tonnerre en Afrique de l'Ouest. La Fédération du Mali, en projet d'indépendance et qui le sera d'ici le mois d'avril comme convenu, a exprimé dans un communiqué signé Gabriel d'Arboussier que malgré l'abandon du projet par le Dahomey, le Sénégal, le Soudan et la Haute-Volta annoncent leurs volontés de continuer le projet fédéral ouest-africain.

Carte de la Fédération

La déclaration n'a pas été sans provoquer remous du côté des défenseurs d'une indépendance nationale de la République du Soudan, du Sénégal et de la Haute-Volta. Ces derniers ont d'ors et déjà annoncé rejeter le projet de d'Arboussier. Des figures proéminentes de l'AOF figurent parmi cette opposition, notamment Mamadou Dia. Le géant Léopold Sédar Senghor quant à lui ne se prononce pas.

Enquête sur les remous communistes au Japon :

Le Président Eisenhower prend très au sérieux les dires japonais sur une possible intrusion communiste dans l'archipel, qui fomente troubles civils et rejet de l'influence américaine.

Allen Dulles, directeur de la CIA

Allen Dulles a remis un rapport au Président Eisenhower sur la possibilité d'une infiltration communiste. L'infiltration communiste chinoise semble très peu crédible, du fait de la très grande animosité entre peuples chinois et japonais, mais surtout et avant tout de par la faiblesse de l'Etat chinois et de la soi-disant République Populaire de Chine.

Quoi qu'il en soit le Parti Communiste Japonais est mis sous surveillance accrue des importants réseaux d'espionnage américain au Japon. Kenji Miyamoto, le Secrétaire Général du PCJ est mis sur écoute autant que possible, afin de déceler une potentielle influence soviétique.

Soutien militaire au Vietnam :

Le gouvernement américain annonce le déploiement de 3 500 soldats sur le territoire de la République du Vietnam et particulièrement à Saïgon.

Instructeur américain au Vietnam

Ces troupes viendront renforcer le dispositif de sécurité sud-vietnamien. Plusieurs centaines d'instructeurs américains sont déjà présents sur place depuis des années, afin de former l'Armée de la République du Vietnam (ARVN). La formation est un succès mitigé, avec peu de résultats militaires face aux intrusions du Viet Cong toujours plus dangereuses. Le front vietnamien, profondément poreux, doit être imperméabilisé par l'ARVN.

Le sens de l'Histoire

Les préparations pour la reprise de la guerre se poursuivent et s'accélèrent. Les nouvelles de l'augmentation de l'interventionnisme yankee au Laos via l'armement des Hmongs est un signe fort, il ne faut pas laisser à Washington le temps de mettre en place sa  stratégie défensive et de cadenasser la région. La branche dure du Parti, rassemblée autour de Lê Duẩn, ancien leader guérillero installé au sud et qui a rejoint le nord en 1957, pousse pour développer les actions militaires face au États-Unis et leurs alliés. L'état de mobilisation de l'armée populaire du Vietnam est sensiblement augmentée et les réservistes sont rappelés et dispatchés au sein de leurs unités respectives. Le matériel lourd est sorti des casernes et porté à l'état de combattre. Des milices locales sont formées pour défendre le pays en cas d'invasion étrangère.

Aux yeux des stratèges d'Hanoï, la véritable clé de l'Indochine n'est autre que la Laos, c’est pour le  moment dans cette direction que le regarde des maîtres du Nord-Vietnam se tourne. Si les forces vietnamiennes ont déjà franchi la frontière l’année dernière pour sécuriser la piste Ho Chi Minh, les effectifs de l’armée populaire déployés sur place vont être sensiblement augmentée. Ce ne sont pas moins de 25 000 troupes combattantes qui seront petit à petit déployés, regroupés au sein du premier corps « Binh đoàn Quyết thắng », tout cela n’incluant pas les unités sous la responsabilité du Groupe logistique 559 s’occupant exclusivement des voix de ravitaillement vers le Sud-Vietnam.   L’assistance technique et matérielle apportée au Pathet Lao va elle aussi être dans l’idée largement rehaussée afin d’être en capacité de faire face aux ingérences américaines.

Il sera très difficile pour Hanoï de prendre exclusivement à sa charge de telles manœuvres et le besoin de s’appuyer sur les alliés du peuple vietnamien est plus criant que jamais. Ho Chi Minh lui même, très inquiet de la brouille sino-soviétique, a donc organisé un voyage passant d’abord à Pékin, poursuivant en direction de Moscou, de plusieurs capitales d’Europe de l’Est, puis s’arrêtant à nouveau en Chine lors du trajet retour avant de revenir au Vietnam. L’objectif est de militer inlassablement pour l’unité du mouvement communiste international et la réconciliation entre Khrouchtchev et Mao. Ho Chi Minh va ainsi exprimer la position du Parti des travailleurs vietnamiens qui se veut favorable au compromis. Il sera tout de même explicitement expliqué aux camarades soviétiques que la PTV se veut intraitable sur la question du rapport à l’URSS et que le Nord-Vietnam continuera d’y voir un « grand frère », cœur battant de la révolution mondiale, une qualité qui ne pourra pas être reconnue à la Chine.

Le second objectif de ce voyage est d’exposer aux chinois comme aux russes les plans du Parti pour l’ex-Indochine et d’obtenir un soutien économique et militaire pour le mener à bien. Il est espéré d’obtenir, en particulier de la part des soviétiques, de grandes quantités d’armes afin d’équiper lourdement aussi bien le Pathet Lao que la guérilla sud-vietnamienne. Par ailleurs, le Parti souhaite mettre en place un premier plan quinquennal lors de son prochain congrès à la fin de l’année qui serait centré sur la mobilisation de l’économie nord-vietnamienne en direction de la libération de l’ensemble du pays, l’industrialisation du pays et en particulier du détroit du Hong ainsi que le déplacement d’une partie de la population de ce même détroit vers les régions moins peuplées de l’intérieure des terres afin de les aménager dans une logique de croissance extensive. Hanoï souhaiterait pouvoir obtenir une assistance technique et financière de la part de l’Union soviétique pour mener à bien ces projets.

Bref, les objectifs de cette tournée diplomatique de grande importance sont nombreux. Assurer les soviétiques de la fidélité du PTV à la condition de voir Moscou s’engager d’avantage dans le bourbier indochinois, convaincre Mao que le Vietnam refuse de s’inscrire dans la stratégie de « coexistence pacifique » édictée par Khrouchtchev en lui présentant des plans offensifs et obtenir un soutient matériel chinois. Il s’agit aussi de s’imposer comme leader du camp pro-unité aux côtés du Parti communiste français au sein du mouvement communiste international, imposant ainsi le PTV comme un acteur majeur de celui-ci. L’espoir de voir la Chine et l’URSS mettre de côté leurs querelles n’est d’ailleurs pas mort et ce voyage était aussi un moyen de le rappeler. C’est finalement une des dernières grandes actions diplomatiques de la part d’Hanoï avant l’escalade des hostilités et celle-ci permet au Nord-Vietnam de compter ses alliés et leur niveau d’engagement à ses côtés.

Cuba

URSS et accord commercial

    La visite d'Anastase Mikoyane a Cuba a permis des discussions franches et efficaces, qui ont débouchées sur un accord qui pose les fondations d'une coopération solide entre les nations Cubaines et Soviétiques. L'annonce d'une promesse d'achat d'un million de tonnes de sucre et d'une aide financière substantielle a été accueillie très positivement à la Havane. Nous sommes d'accord avec toutes les clauses, écrites ou non,  de l'accord proposé. Nous aimerions profiter de l'entrevue pour discuter de quotas d'importation pour du pétrole en provenance de l'Union Soviétique, à un prix si possible accessible. Dans un premier temps, nous pourrions nous entendre sur des quotas d'importation annuelle de plusieurs millions de tonnes de pétrole soviétique afin de diminuer de moitié notre dépendance de Washington pour cette ressource stratégique.

USA et nationalisations

    Le gouvernement Cubain a accueilli avec désappointement le refus américain d'enclencher des négociations à propos des entreprises américaines présentes sur le territoire du pays. Nous déplorons ce refus de négociation, qui risque de heurter les intérêts financiers des entreprises américaines présentes sur le territoire Cubain. Nous continuons à espérer un accord sur ces questions, mais la situation d'extrême dépendance de notre pays nous somme d'avancer. Encore aujourd'hui, la majorité de l'industrie sucrière et la quasi totalité de l'industrie minière du pays reste encore dans les mains de ressortissants américains, une situation incompatible avec le développement serein d'une nation indépendante. Est donc annoncée la nationalisation immédiate de 36 exploitations tabatières et 8 exploitations minières détenues par des ressortissants américains. Dans le respect du traité inter-amérique de 1928, nous proposons aux entreprises expropriées une juste rémunération basée sur leurs propres déclarations fiscales réalisées avant la révolution. Ce sont ainsi 12.5 millions de dollars que nous proposons aux différents acteurs du tabac et de la mine contre la prise en charge de leurs activités. Si les activités minières seront désormais prises en charge par l’État, les activités sucrières seront, elles, divisées et réparties à des travailleurs du secteur sans terre, sur le modèle de la réforme agraire de 1959.
    Les autres activités citées dans les négociations ne sont pour le moment pas dans le viseur Cubain. Les raffineries américaines pourront donc continuer d'opérer à Cuba tant qu'elles traitent la provenance des ressources avec neutralité. De même, les activités bancaires, électriques, et téléphoniques, et en général les nombreuses activités servicielles américaines continueront de jouer un rôle économique à Cuba. Pour les secteurs stratégiques, l'Etat Cubain entend néanmoins à créer de grandes agences publiques, qui ont vocation à jouer un rôle majeur dans l'économie Cubaine. Sont ainsi posées les fondations d'une grande agence publique bancaire, d'une agence publique de l'électricité et d'une agence publique de la téléphonie, afin de garantir l'accès des plus pauvres aux services de base. Nous restons entièrement ouverts au dialogue avec Washington, et sommes également entièrement engagés à la construction de la paix entre les Amériques. Nous profitons de l'occasion pour rappeler que la Révolution Cubaine n'est pas une révolution socialiste mais d'indépendance nationale.

Communiqué à Cuba :

Le gouvernement américain refuse toute forme de nationalisation, même en échange d'une rétribution monétaire.

Washington ordonne à Cuba de faire respecter les lois du commerce international et de revenir en arrière sur les nationalisations déjà effectuées. Si La Havane refuse, les Etats-Unis seront dans l'obligation d'appliquer des sanctions envers le gouvernement cubain.