Rencontre franco-soviétique de Nice, 1991

Rencontre franco-soviétique de Nice.


................Entre deux rectifications du budget pour prendre en compte les coûts d'occupation de l'Irak pour les finances publiques, le ministre délégué Michel Charasse, l'un des plus proches amis et conseillers de François Mitterrand, a reçu chaleureusement son homologue soviétique pour causer tout en admirant la Méditerranée depuis un luxueux salon d'un hôtel particulier situé sur les hauteurs de Nice.

D'une part, s'agissant de la RDA, Charasse a pris acte de la position soviétique concernant le refus de toute réunification allemande. Si l'envoyé du chef de l'Etat a répondu dans un premier temps, avec un air très mitterrandien, qu'on "ne peut rien contre la volonté d'un peuple", il s'est empressé d'ajouter qu'à Paris, l'idée d'une réunification ne provoque pas vraiment d'enthousiasme non plus. Bien sûr, si elle devait avoir lieu, la France ne ferait rien pour l'empêcher. Mais elle ne fera rien non plus pour la faciliter, et Charasse confie tout aussi secrètement que l'Elysée préférerait d'ailleurs que cette réunification n'advienne pas, car une Allemagne réunifiée se détournerait très certainement du projet européen auquel François Mitterrand tient énormément.

D'autre part, concernant l'intervention occidentale en Irak, Charasse a indiqué à Pavlov que le départ des troupes françaises n'était qu'une question de temps, et que la Grande muette n'avait pas vocation à s'éterniser au bord de l'Euphrate et du Tigre. Toutefois, ce départ ne pourra se faire qu'une fois le pays pacifié et l'Etat reconstruit, car tout retrait anticipé provoquerait assurément un chaos et favoriserait le retour du régime Baas.

Si l'Union soviétique et la République française entretiennent certes des relations privilégiées en raison de la sympathie de Mitterrand pour Moscou, Paris reste néanmoins fidèle à son alliance atlantique lorsque le droit international est bafoué ou que le Pacte de Varsovie menace la sécurité de l'Europe libre. En dehors de ces deux cas, la France conserve sa liberté d'action, et c'est dans cette marge de manoeuvre que pourrait prendre forme une coopération franco-soviétique.

Pour Paris, l'un des grands sujets diplomatiques du moment reste la construction européenne, et notamment le projet fédéral porté par Mitterrand. A ce titre, Charasse souhaite avoir l'avis de Pavlov, et le questionne quant à un éventuel soutien soviétique devant l'ONU pour reconnaître cette fédération européenne comme membre permanente du Conseil de sécurité en remplacement de Paris, si le projet venait à se réaliser.