Opération Ancistrus

Opération Ancistrus

"C'est ça dégage espèce de saloperie !" gronde une voix rauque au travers des branchages épais. D'un coup de pied, l'homme balance le corps sans vie d'un opossum tout en brandissant sa machette. Depuis que l'hélicoptère l'avait déposé, il taillait ainsi sa voie à travers l'Amazonie colombienne. L'agent Pecari, de son vrai nom Gerson Batista, a été envoyé par les services de renseignements brésiliens dès lors que la nouvelle de la guerre civile s'était faite savoir. Si Brasilia ne compte pas s'ingérer dans le conflit opposant les deux gouvernements se contestant l'autorité sur la Colombie, l'absence d'un Etat colombien fort fait craindre au géant lusophone la résurgence de guérillas communistes dans l'Amazonie septentrionale. Finalement, la jungle s'ouvre sur un chemin de terre à moitié nue perçant au travers des arbres. Batista peut poser son fusil et s'assoir un moment : son chemin est tout trouvé.

Quelques heures plus tard, Pecari a atteint son but. Le voilà arme dans le dos au milieu d'un misérable village perdu dans la jungle. En face de lui, une cahute de briques peinte à moitié et rongée par l'humidité. Seule la croix de bois au-dessus de la porte laisse deviner la réalité de l'endroit au regard extérieur. Le Brésilien s'avance prudemment, soulève le rideau qui obstrue l'entrée et y passe sa tête, puis annonce dans un espagnol parfait : "Les capybaras vont-ils au paradis ?". Du fond de la salle, une voix lui répond : "Ils ne meurent jamais vraiment". Il était au bon endroit.

Dans le confessionnal, le père Enrico, ou plutôt l'agent Macao, lui explique tout ce qu'il y a à savoir. Les informations déjà possédées, les hiérarchies locales, les endroits à éviter, les personnes à ne pas approcher, où acheter un véhicule, tout y passe. Lorsque les deux hommes retournent dans la petite chapelle, un fidèle se tient à genoux devant la vierge, les empêchant de se saluer comme il le faudrait. "Merci mon père", lance finalement Batista avant de tourner son corps vers la sortie, pour être stoppé par la réponse de Macao : "Dieu vous pardonne mon fils, mais prenez garde, tout le monde ici n'a pas la même clémence envers les braconniers".