Opération Jeanne d'Arc

Orléans, 25 octobre 1931.

Les rues de la préfecture du Loiret sont vides. Il fait froid en cette soirée automnale. Une bonne partie des hommes est de toute manière en Allemagne. Quelques bars et restaurants sont ouverts, et leur lumière brille sur les pavés humides du centre-ville. Michel Grouard marche d'un pas pressé qui résonne sur les murs en pierre autour de lui. Il est de taille moyenne, les cheveux blonds-roux. Il arrive bientôt devant un bar, " Le Bouclier ", et y entre. A l'intérieur, personne. Michel connait les lieux, il ne s'attendait pas à voir quelqu'un. Il fonce vers l'arrière boutique, ouvre une trappe sous un tapis, et s'engouffre dans des escaliers vers la cave, toujours Gauloise au bec.

- "Salut Michel. " dit-un homme au long manteau militaire.
- "Salut Jean.".

Notre ami roux distingue une silhouette au fond de la pièce, assis sur un tabouret. L'homme est, contrairement à Jean, de petite taille, et de complexion sombre.

- " C'est qui ce type ? "
- " Un ami à moi. "
- " Il sort d'où ? Tu ramènes des gars comme ça ? Sans prévenir ? Tu te rends compte de ce que tu fais ?"
- " Calme toi. Viens présente toi " répond Jean fermement, avant de faire un signe de main à l'inconnu.

Sortant de l'ombre, un visage balafré s'avance vers Michel.

-" Appelle moi Ayran. "
- " Pourquoi y'a un putain d'arabe ? "
- " Je suis juif."

Michel, peu convaincu, écarquille les yeux, avant d'éteindre sa cigarette sous ses bottes de cuir. Jean lui explique rapidement que celui connu sous le nom de Ayran possède des réseaux extrêmement puissants dans l'Etat français, et notamment les Armées du Levant. Ce sont elles qui ont fourni, à travers Ayran, le matériel nécessaire à l'Opération Jeanne d'Arc.

Ce matériel est entreposé dans une caisse, sous la table que partagent nos trois acolytes. Trois paquets de 40 kilos de dynamite, leurs mèches, un pistolet de service de l'armée française et une vingtaine de balles.

" Michel. Tu te rends compte qu'il faut frapper vite. Ces fils de pute de bolchéviques sont à nos portes. A quelques kilomètres de Nice, de Briançon, de Grenoble. Qui sait ce qu'ils peuvent manigancer. Leurs acolytes russes fomentent quelque chose. Ayran est clair sur ce point. L'Armée soviétique prépare quelque chose à l'Est. Il faut qu'on abatte la menace communiste. Il faut qu'on préserve la France, Michel. " - dit Jean, en se rapprochant de son comparse.

Nerveux, le grand roux se triture les mains. Il sait très bien que tout ce plan, concocté depuis maintenant deux ans par les hommes de Jean, et ses contacts parmi les groupuscules d'extrême-droite française, repose sur lui. Lui, le bras armé de la France, le bras armé de sa Sainte Patronne Jeanne d'Arc, s'apprête à commettre l'irréparable.

Le Pape, de visite à Paris pour s'entretenir avec le clergé de la capitale, devra en effet être logé à Orléans dans quelques jours. Son hôtel sera certainement moins surveillé et gardé. Michel ira l'armer de dynamite, et le jour venu, fera exploser l'hôtel. L'attentat sera revendiqué par les communistes italiens avec le support de leurs alliés idéologiques français. Pour éviter à la France les flammes de l'enfer, Michel s'offrira au diable.

Le regard de