[ÉTHIOPIE][MAI1921][AG003][COMMISSION-ESCLAVAGE]

Depuis des siècles dans les âmes de philosophes, des décennies dans les esprits des gouvernants, la question de l’esclavage obsède, tant l’humanité semble amoindrie à chaque minute passant où un homme pourrait encore, quelque part, faire d’un autre sa propriété en restant dans son bon droit. L’Éthiopie, de multiples façons, a connu et connaît encore ce fléau, un marché aussi lucratif que destructeur — proche en cela de celui de la drogue qui ronge un peu plus chaque jour les nations occidentales — : entre les peuples qui la composent ; par l’importation de « marchandises » peu coûteuses d’Extrême-Orient ; par l’exportation dans la péninsule arabique notamment de jeunes éthiopiennes très demandées. Ainsi mon pays se souille-t-il de trois façons différentes, laissant les sujets de l’Impératrice se vendre et s’acheter entre eux, ce qui détruit le tissu les liant chacun à la nation ; allant chercher au loin d’innocentes personnes pour en faire quelques jouets ; acceptant en même temps de laisser au premier venu, l’innocence souvent infantile bafouée à l’étranger.

L’Éthiopie n’est peut-être pas attendue prioritairement sur ce terrain pour son retard ; c’est pourtant ce retard qui justifie la nécessité d’une poussée supplémentaire de sa part. La fin de l’esclavage était une condition de notre entrée à la Société Des Nations que nous comptons remplir et souhaitons, pour cela, que soit créée dès à présent une Commission pour l’Esclavage, permanente, qui aurait pour objectif la publication de rapports sur l’état de l’esclavage dans le monde, les moyens de l’endiguer, l’organisation d’événements en vue de sensibiliser des gouvernants divers (chefs d’État mais aussi gouverneurs ou souverains locaux) voire la mise en place à terme d’une convention qui permettra, adoptée par le plus grand nombre, d’insister uniformément sur une volonté commune, mondiale, d’attaquer le problème avec rigueur.