[Rencontre] Sommet de Rabat

................Le ministre des Affaires étrangères s’est rendu, au nom de la République française, à Rabat, pour y représenter la Grande Nation à cette conférence destinée à apaiser les tensions entre d’une part la Guinée et d’autre part la France à la suite des récents évènements de juillet 1961. Dans un discours assez long, Maurice Couve de Murville a appelé les représentants guinéens à « dépasser les clivages et les rivalités d’antan, qui, hélas, enveniment les relations franco-guinéennes depuis l’indépendance du pays en septembre 1958. » Selon les mots du ministre, il devient nécessaire que Conakry et que Paris mettent de côté – sans jamais oublier pour autant – les conflits passés liés à cette indépendance et aux décisions françaises et guinéennes qui en ont découlé et qui ont lourdement fragilisé les relations entre l’ancien Etat colonial et l’ancienne colonie, surtout à cause « d’incompréhensions mutuelles dont les récents évènements ne sont que l’aboutissement, par trois fois hélas, que trop logique et naturel. » Ainsi, la République propose d’abord à la Guinée de faire table rase du passé et d’établir de nouvelles relations saines, épurées de tout conflit, ce qui passe immanquablement par soit l’abrogation de la loi portant sur la nationalisation des établissements bancaires français soit le dédommagement desdits établissements au titre du préjudice causé par la nationalisation, qui réside principalement en des pertes nettes de chiffre d’affaires ainsi que la spoliation des propriétés acquises pour exercer leur activité. A ce titre, le ministre ajoute que « les agissements de la République ne sauraient avoir d’incidence sur les établissements bancaires concernés, qui n’ont en rien à subir les conséquences des actes d’une personnalité juridique totalement étrangère – sinon en ce qu’ils dépendent, in fine, de celle-ci –, et il faut considérer le dédommagement des banques lésés – ou la restitution de leurs biens ainsi que l’autorisation de leur retour en activité – comme différent de la responsabilité étatique française. » Ensuite, la France souhaite, en signe de bonne volonté, dédommager la Guinée concernant les préjudices causés par la mise sous embargo du pays pendant plusieurs jours – cela seulement, évidemment, si Conakry accepte de dédommager les établissements bancaires. Enfin, dernier point abordé par le ministre, les relations à venir. En effet, Paris veut approfondir ses relations avec son ancienne colonie. Pour ce faire, Couve de Murville propose plusieurs investissements sur plusieurs années de la part de Paris, dans différents secteurs, à condition bien évidemment d’une garantie juridique de la part de Conakry pour éviter de nouvelles nationalisations sauvages comme le président Sekou Touré vient de faire. Pour la France, « de meilleures relations économiques permettront de pacifier durablement nos relations », a conclu le ministre, qui espère évidemment que la Guinée acceptera ces propositions.

................Maurice Couve de Murville accepte la réduction de moitié de la somme demandée en dédommagement, passant d'un milliard de français français à cinq cent millions. Quant aux relations futures, le ministre a rappelé son propos, qui consistait à ne rien oublier mais aller de l'avant pour le bien commun des peuples français et guinéen.

................Le ministre des Affaires étrangères à propos de la proposition soviétique que celle-ci « paraissait honnête et permettait de concilier d'une part la volonté de Paris d'un dédommagement de ses banques et d'autre part la volonté française de meilleures relations économiques avec la Guinée. » Par conséquent, il accepte cette proposition.