Pacification des provinces Libyennes

Insigne des Arditi

Le débarquement de la 1ère Division d'Arditi

À la fin de la Grande Guerre, le contrôle italien sur la Libye ne s'exerce plus que sur les principales villes côtières, tandis que la résistance anti-italienne en a profité pour reprendre des forces. Le nouveau gouvernement Boselli et les cercles militaires prennent pour prétexte cette situation pour envoyer les forces d'élite de la Regio Esercito afin de les occuper. C'est ainsi que le Royaume d'Italie met à la disposition des deux nouveaux gouverneurs de Libye, Volpi et le général Ernesto Mombell, les 15 000 fantassins de la 1ère division d'Arditi. Le gros de cette force débarque à Tobrouk, sous le commandement du lieutenant général Emilio De Bono, et devra affronter la résistance Senoussis qui s'appuie sur un vaste réseau de centres zaouïas (centre consacré au culte religieux, à l'éducation et au commerce).

Unité d'Arditi de la 1ère Division dans le désert

La 1ère Division d'Arditi se met en marche

À Tobrouk, les premières unités d'Arditi fraîchement équipées de leurs tenues de combat adaptées aux conditions désertiques - casques coloniaux couleur sable, chèches autour du cou, chemises à manches longues et pantalons légers en coton beige, bottes en cuir robustes avec semelles épaisses - entament leurs déplacements vers le sud. Les premières opérations militaires de pacification de la Cyrénaïque commencent. L'objectif est simple : ratissage du plateau du Djebel d'Akhdar, tenu par la résistance, et prise de contrôle de cette zone. Les groupes d'Arditi de la 1ère division seront accompagnés dans les airs par des escadrilles de bombardiers Caproni Ca.3 et d'éclaireurs SVA. Il ne fait aucun doute pour le gouverneur Ernesto Mombelli que cette première phase risque d'être longue et sanglante. En effet, les Arditi italiens, réputés pour leur férocité, ont commis d'horribles atrocités à l'encontre des soldats autrichiens ou hongrois lors de la Grande Guerre. N'imaginons pas ce qu'ils pourraient faire aux indigènes libyens.

Convoi motorisé italien

Point sur la situation  en Cyrénaique

Les opérations militaires effectués dans le Djebel d'Akhdar sont d’une rare violence. Malgré l’écrasante supériorité numérique italienne, le commandement militaire déplore la mort de 50 soldats. Mais cela n’est rien en comparaison des pertes indigènes où l’on dénombre près de 1800 morts. Fini la politique de compromis dans le Cyrénaïque, les arditi pratique l’anéantissement systématique de tout foyer de résistance en rasant des villages entiers, en saisissant ou en tuant les têtes de bétail. Cette tactique commence à porter ses fruits car certaines tribus se soumettent. Cependant Idris el-Mahdi al-Sanusi reste introuvable et certains rapports indiquent que bandes de moudjahidin quittent cette zone d’opération pour s’enfoncer dans le désert.

Au même moment à Benghazi le gouverneur Ernesto Mombelli met en application les ordres de Rome concernant la fermeture de la frontière avec l’Égypte. Le projet est de construire une ceinture de barbelés sans interruption entre Bardia et Djaraboub. Près de 2500 ouvriers – des indigènes du Cyrénaique- vont être mobilisé pour effectuer cette tâche.

Carte postale de propagande montrant que même la mort craint les arditi

Les Arditi et leur définition de la pacification

Cela fait plusieurs mois que les colonnes infernales italiennes de barbouzes sillonnent le Jebel Akhdar. Dans leur sillage, toute trace de résistance est systématiquement réduite à néant, tuant sans distinction hommes, femmes et enfants, transformant les nombreux villages de la Cyrénaïque en tas de cendres. Cette guerre, qui ne dit pas son nom, a entraîné la mort massive des peuples indigènes, totalisant près de 12 000 victimes. Partout dans la zone, les arditi sont vus comme de véritables démons qui ont brisé la résistance farouche des partisans des Sanussi dans cette région. De plus, la construction de la ceinture de barbelés a garanti l'imperméabilité de la frontière orientale. Le gouverneur et le général Mombelli présentent donc leurs succès à Rome, mais indiquent cependant que d'importantes poches existent toujours dans le Fezzan, dont la responsabilité dépend de la Tripolitaine.

Il exige du commandement militaire une action rapide dans cette zone pour éviter une convergence de la cause entre les tribus libyennes du sud et les Touareg en territoire français. Pour mener à bien cette mission, des moyens supplémentaires doivent être acheminés, ce que la métropole ne peut pas se permettre en ces temps troubles. Cela ne manque pas de faire enrager Volpi à Tripoli.

Image de propagande glorifiant les arditi

Les aventures du capitano Anthonio Rossi

Dans la province du Fezzan, une colonne mécanisée de l'armée royale patrouillait sous le ronronnement des moteurs. Sous ce panache de poussière déplacé par les véhicules se trouvaient les fiers arditi de la 1ère division. Ces soldats d'élite avancèrent avec audace, traversant les dunes de sable brûlant sans se soucier de la menace tapie dans l'ombre. Les rebelles bédouins, motivés par leur désir farouche d'indépendance, ne se laissèrent pas impressionner. Ils se préparaient depuis des semaines à affronter l'occupant.
Arrivée à proximité du lac Gaberoun, le capitano Antonio Rossi, le visage maculé de poussière et de sueur, décida de s'arrêter pour se ravitailler. Lors de cette pause, les Italiens en profitèrent pour se détendre un instant. Rossi sortit du coffre à gants de sa voiture le Corriere della Sera de la semaine dernière et commença sa lecture tout en commentant l'actualité avec son aide de camp, le primo maresciallo Lorenzo Baldoni.

"- Regarde-moi ça, ces incapables d'Autrichiens. Toujours empêtrés dans leur guerre civile. Je te le dis, Lorenzo, on ne devrait pas être ici, dans cette fournaise à ciel ouvert, mais en Istrie, en train de prendre Fiume. Qu'est-ce que Boselli fait ? Son âge avancé lui a fait perdre toute audace, vociféra l'officier avant de tourner la page.
- Vous avez raison, nous devrions être en Italie à préparer la guerre pour la Dalmatie. Mais que voulez-vous, chef ? On est dirigé par des francs-maçons, indiqua le sous-officier avant de se désaltérer.
- Mais ce n'est pas possible. Basta ! Basta ! Boselli négocie avec le gouverneur maltais au lieu de saisir l'île. Bon Dieu, cette île faisait partie du Royaume de Sicile, elle doit appartenir à l'Italie, s'exclama Rossi quand tout à coup des Bédouins embusqués en haut des dunes prirent pour cible les véhicules italiens.
- Mamma mia ! On nous attaque, il faut riposter !",beugla le primo maresciallo.

Tandis que les balles sifflaient tout autour des arditi, ces derniers se réorganisèrent avec discipline avant de riposter. C'était peine perdue. En infériorité numérique et pris dans une embuscade, les soldats italiens durent se résigner à abandonner le combat. Avec les quelques véhicules encore en état de marche, ils se replièrent en direction de la Tripolitaine. La colonne d'Arditi était décimée. Près de 84 hommes périrent, ce fut un véritable déshonneur pour le capitano Antonio Rossi qui subit une défaite cuisante mais resta en vie. Pour la Regio Esercito, cela avait été la journée la plus sanglante depuis la mise en place des opérations de pacification

Le général présenté par le journal Il Popolo d'Italia

La guerre de contre insurection

La pacification de la Libye, qui devait être rapide, se transforme de plus en plus en une guerre de basse intensité longue. Dans le Fezzan et dans le désert de la Cyrénaïque, les ariditi de la 1ère division spécialisée dans les offensives contre des armées conventionnelles deviennent des spécialistes de la contre-insurrection. Pendant plusieurs semaines, les soldats italiens ont quadrillé les zones sous domination des rebelles libyens en massacrant toute poche de résistance. Les effets sont très efficaces, mais aussi très néfastes pour la population locale avec près de 6000 morts.

Cette stratégie victorieuse incite les deux gouverneurs en Libye à être encore plus durs. Selon les dires du général Ernesto Mombelli : « Le but n'est pas de courir après les rebelles, ce qui est fort inutile, mais de rendre leur vie invivable en brûlant leur vivre, en massacrant leur famille et cela jusqu'à la soumission totale des tribus. »