[Validé] Empire Ottoman

En cette année 1884, la Sublime Porte entre en méditation. Réflexions ésotériques sur la destinée de l’Empire, sur la nation arabe, l’identité musulmane ou sur la place du monde arabe au sein de l’Empire ou revirement stratégique ?

Le sentiment de reflux, voire de déclin vis à vis des puissances européennes modernes, s’est imposé aux élites ottomanes depuis la fin du XVIIIe siècle en même temps que celui d’une nécessaire réforme. Les Ottomans sont dépassés par les Européens sur la voie du progrès et de la civilisation. Ils sont en retard sur le plan de la technique, de l’art administratif et militaire. Par ailleurs, le rapport entre l’Etat et l’extraordinaire diversité linguistique et religieuse de ses sujets n’est pas adapté à l’émergence de sentiments nationalistes minoritaires.

Il est difficile de sonder l’esprit d’Abdülhamid II, dont le comportement maniaque oscille entre celui d’un autocrate implacable avec celui d’un calife désemparé. Dans tous les cas, le souverain ottoman n’est plus le même depuis son départ de la Sublime Porte et son arrivée au Palais. Il est devenu un despote sans concession en mettant fin au multilatéralisme et en suspendant la constitution en 1878, deux ans après sa promulgation.

L’ère des Tanzimat est close et rien ne semble contrarier Abdülhamid II dans cette concentration de folle des pouvoirs, pas même l’invasion britannique de 1882. Pourtant, le souverain ne devrait pas oublier les changements paradigmatiques énormes qui ont eu lieu pendant les Tanzimat. En effet les puissances européennes accroissent leur influence à l’intérieur de l’Empire, notamment dans les confins de moins en moins bien contrôlés par la Porte où ils encouragent, directement ou par la seule diffusion de l’idée nationales, les forces d’éclatement et de séparation. En résulte une série de crises impliquant des peuples qui se découvrent progressivement une identité nationale.

Plus important, au sein de cet empire rétif, une nouvelle classe moyenne émerge. De même, une nouvelle classe dirigeante occidentalisée semble prendre le pas sur les archaïques vizirs. C’est pour cela qu’il n’est pas souhaitable pour Abdülhamid II de se détourner du libéralisme et de la modernité.

Cette relation bipolaire avec l’Occident est d’autant plus renforcée que les concessions occidentales les plus dynamiques ont été accordées par la force de la guerre.

Dans un esprit de renouveau politique, les diplomates ottomans sillonnent l’Europe à la recherche de nouveaux capitaux européens. Les Hamidiens sont présents à Londres, notamment, où un appel à projet est officiellement formulé aux sociétés britanniques pour le développement du rail et du télégraphe au sein de l’Empire. Cette modernisation, houleuse mais nécessaire, devrait d’abord toucher Constantinople, Smyrne et Thessalonique.

Ces cités-ports cosmopolites sont aménagés selon les standards européens dans un style néoclassique avec de larges avenues et des faubourgs résidentiels. Ces portes ouvertes aux capitaux européens, sont le symbole d’un Empire qui n’a pas totalement tourné la page des Tanzimat.